C'était espérer trop tôt. Hier mercredi Obama s'est réveillé en annonçant au monde que la virilité stratégique venait de lui revenir. Il avait pris de grandioses décisions. Tout d'abord, ne pas envoyer de troupes américaines sur le terrain. Trop dangereux et mal vu de son électorat. Par contre tenter de former une coalition hétéroclite de pays arabes ayant quelque chose à craindre de la formation d'un émirat renforcé 1) Bonne idée mais qui restera sans doute lettre morte compte tenu des importants effectifs de djihadistes opérant dans chacun de ces Etats, djihadistes que les gouvernements auront tous une raison ou une autre de ménager. Compte tenu par ailleurs des intérêts divergent opposant les membres de cette coalition, notamment les pétro-monarchies aux autres états.
Pour assurer l'ardeur combattante de ces gouvernements, il s'engage à leur apporter des aides diverses, en dollars et en armements, qui se retrouveront très vite, au terme des parcours tortueux caractérisant l'Orient compliqué, aux mains des militants de l'EIIL.
Faire tomber Bashar al Assad
Enfin, cerise sur le gâteau, Obama a fait connaître son intention de continuer à équiper en armes les milices hétéroclites qui combattent Bashar al Assad. Ainsi serait renversé le seul chef d'Etat capable, en sa qualité d'alaouite, de contrer le cocktail de sunnites et de chiites qui tentent actuellement de constituer le califat. Bien entendu, en cas de succès de la brillante manoeuvre tentée par Obama, la chute de Bashar se traduirait immédiatement par un fleuron syrien s'ajoutant au califat en formation.
Évidemment, Obama, dans sa nouvelle et brillante stratégie, n'a tenu aucun compte de la nécessité d'une concertation avec les deux acteurs incontournables dans la région que sont l'Iran et la Russie, par ailleurs « amies « de Bashar. Il est très prévisible que celles-ci verront d'un oeil moins que favorable se mettre en place la nouvelle stratégie d'Obama.
L'Iran, la Russie et sans doute en arrière plan la Chine ne peuvent pas se réjouir du premier effet qu'elle aura, le recrutement accéléré de « bataillons d'égorgeurs » résultant de l'aura ainsi donné par Obama aux califes et futurs califes: faut-il qu'ils soient guidés par Allah pour justifier à eux seuls l'entrée en guerre de la première puissance militaire du monde – dont soit dit en passant, les frappes aériennes et les drones continueront à tuer plus de civils que de militants, comme cela fut toujours le cas. Et quel renommée aussi dans les banlieues européennes.
Obama, au moins dans sa déclaration officielle, n'a pas indiqué quels appuis allait recueillir la « guerre implacable » qu'il souhaitat mener de la part de ses « alliés » européens. Sans doute compte-t-il sur l'enthousiasme de ses plus fidèles disciples, dont la France, pour envoyer aussi des armes voire des hommes sur le terrain. Nous attendons avec curiosité ce que pourra dire ou ne pas dire à ce sujet le président français, lors de sa petite promenade de santé en Irak.
1) L'infatigable John Kerry en fait actuellement le tour. Il s'agit des Arabie saoudite, Bahrein, Emirats arabes Unis, Koweit, Oman, Qatar, Liban, Egypte, Jordanie, Irak et Turquie. Bon courage.
Post scriptum au 12/09
Que faudrait-il faire alors contre l' « Etat » islamique ?
C'est la question que nous posent des correspondants. Faut-il laisser l'EIIL s'étendre indéfiniment? Que proposez-vous de faire? L'Amérique est certes responsable de la détérioration de la situation au Moyen-Orient. Mais devrait-elle rester maintenant les bras croisés?
Notre réponse se doit d'être prudente. Néanmoins elle est déjà esquissée dans l'article. Obama aurait du, au lieu de décider tout seul, se concerter avec la Russie, l'Iran, l'Europe et même Bashar al Assad. Une guerre à l'EIIL s'impose nécessairement, avec des troupes sur le terrain – et pas seulement avec des frappes aériennes.
Mais il faut pour ceci, même si cela demande un peu de temps, s'entendre avec de vrais alliés pour mettre en place un contingent international. Il n'interviendrait pas seulement au nom d'Obama, qui est devenu un repoussoir, mais des différents Etats cités-ci dessus, qui ont des intérêts communs à défendre.
Il faut certes aussi s'appuyer sur des Etats dits musulmans, à condition qu'ils soient sérieux: Turquie, Egypte, Liban par exemple. Mais pas sur des régimes pourris qui inondent de pétro-dollars, pour s'en faire des alliés, les pires djihadistes.