Un skyrmion est une structure magnétique de quelques nanomètres, 10 000 fois plus fine qu’un cheveu, composée de spins d’électrons enroulés en spirale.
Sur les spins d’électron, voir Wikipedia https://fr.wikipedia.org/wiki/Spin
Le spin (/spin/) est, en physique quantique, une des propriétés internes des particules, au même titre que la masse ou la charge électrique. Comme d’autres observables quantiques, sa mesure donne des valeurs discrètes et est soumise au principe d’incertitude. C’est la seule observable quantique qui ne présente pas d’équivalent classique1, contrairement, par exemple, à la position, l’impulsion ou l’énergie d’une particule.
Il est toutefois souvent assimilé au moment cinétique (voir Le moment cinétique de spin et Précession de Thomas). Enfin, le moment cinétique intrinsèque (de spin) et le moment magnétique intrinsèque (de spin) sont tous deux confondus sous le terme de « spin ».
Le spin a d’importantes implications théoriques et pratiques, il influence pratiquement tout le monde physique. Il est responsable du moment magnétique de spin et donc de l’effet Zeeman anomal (parfois incorrectement appelé anormal) qui en découle.
Les particules sont classées selon la valeur de leur nombre quantique de spin (aussi appelé communément le spin) : les bosons, qui ont un spin entier (0, 1, 2…), et les fermions, pour lesquels le spin est demi-entier (1/2, 3/2, 5/2…). Fermions et bosons se comportent différemment dans des systèmes comprenant plusieurs particules identiques ; le fait que l’électron soit un fermion est la cause du principe d’exclusion de Pauli ainsi que des irrégularités de la table périodique des éléments. L’interaction spin-orbite conduit à la structure fine du spectre atomique. Le spin de l’électron joue un rôle important dans le magnétisme. La manipulation des courants de spins dans des nano-circuits conduit à un nouveau champ de recherche : la spintronique. La manipulation des spins nucléaires par des champs radiofréquences conduit au phénomène de résonance magnétique nucléaire utilisé dans la spectroscopie RMN et l’imagerie médicale (IRM). Le spin du photon — ou plus exactement son hélicité — est associé à la polarisation de la lumière.
Les spins, propriété magnétique des charges négatives, noués ainsi de façon très stable peuvent être mis en mouvement par paquets, sans faire bouger les électrons. De telles spirales, les skyrmions, qui tiennent leur nom du physicien britannique Tony Skyrme, les ayant imaginés en 1962, n’ont été observées pour la première fois qu’en 2009.
Qui dit structure magnétique, dit capacité de mémorisation d’une information. D’où l’intérêt depuis quinze ans pour cet objet en forme de bulle de savon aplatie. Mais le skyrmion souffre d’un défaut, l’effet Hall, qui est au champ magnétique ce que l’effet Magnus est au terrain de football
Sur l’effet Hall voir
«
Effet observable sur un conducteur ou un semi-conducteur de faible épaisseur soumis à un champ magnétique.
La création d’un champ électrique proportionnel au produit vectoriel de la densité de courant par l’induction magnétique se traduit par l’apparition d’une tension entre les bords du conducteur. Il est ainsi possible de connaître la topographie d’un champ magnétique en utilisant l’effet Hall qui apparaît dans un conducteur explorant ce champ. À une température proche du zéro absolu, l’effet Hall présente des discontinuités (effet Hall quantique) dont la mesure a un très grand intérêt en métrologie.
Du fait de sa structure, le skyrmion va dévier de la route qu’on veut lui imposer. C’est à cette difficulté qu’une équipe du laboratoire Spintronique et technologie des composants (Spintec, université Grenoble-Alpes, CNRS, CEA) a trouvé une solution publiée dans la revue Science le 19 avril. Les chercheurs grenoblois sont parvenus à dompter l’effet gyroscopique des skyrmions. Ce qui a permis de les faire se déplacer dans la même direction, dans un faible courant électrique, à des vitesses allant jusqu’à 900 mètres par seconde. Une prouesse par rapport aux 100 mètres par seconde observés jusqu’ici.
Un changement d’échelle riche en perspectives, pense Olivier Boulle, chercheur CNRS au Spintec, qui a piloté ces travaux. Afin d’annuler l’aspect aimanté du skyrmion il fallait parvenir à coupler deux de ces structures aux propriétés opposées afin qu’elles s’annulent. C’était une question de matériaux. La solution s’appelle « antiferromagnétiques synthétiques ». « Ces matériaux sont composés de deux couches ferromagnétiques, séparées par une fine couche non magnétique. Les directions du pôle Nord et du pôle Sud de ces couches magnétiques sont opposées. Par conséquent, ces matériaux ne sont plus vraiment aimantés », explique Olivier Boulle.
https://www.lemonde.fr/sciences/article/2024/04/23/le-skyrmion-cette-etrange-structure-qui-pourrait-bousculer-l-electronique_6229465_1650684.html
Toute la difficulté a été de trouver ce bon isolant et surtout à la bonne épaisseur (quelques atomes) pour que le couple de skyrmions tête-bêche soit stable. C’est ce qu’a fait le postdoc Van-Truong Pham, premier signataire de l’article dans Science,. Notamment en travaillant au synchrotron Bessy à Berlin, sur un microscope magnétique à rayons X très puissant. « La théorie le disait, les simulations le validaient et pour la première fois le groupe d’Olivier Boulle montre que cela marche expérimentalement », selon Stanislas Rohart, qui travaillait dans la même direction.
A quoi pourraient bien servir ces simili-bulles de savon qui volent à plus de 3 000 kilomètres à l’heure ? A l’électronique de demain et au calcul pour l’intelligence artificielle Il s’agir de démontrer qu’on peut fabriquer un dispositif de mémoire et de calcul basé sur le skyrmion », détaille Olivier Boulle. Car ce petit objet que l’on sait désormais manipuler et déplacer dans une piste magnétique peut être une donnée d’information : 1 lorsque le skyrmion passe devant une tête de lecture, 0 en son absence.
Concrètement, des équipes du Spintec travaillent actuellement à « faire de la reconnaissance vocale ou de la reconnaissance d’image avec une assemblée de skyrmions, en exploitant leurs réponses à des stimuli externes comme une tension »,
L’intéret en estla très faible énergie nécessaire pour lire ou écrire les données, comme le montre un article du 18 mars dont on trouve ci-dessous les références et l’abstract. Cette piste ouverte par la spintronique permet d’envisager des réductions « d’un facteur 1 000 » de l’énergie nécessaire pour un calculateur, estime Olivier Boulle. C’est l’objet du projet Chirex, financé pour quatre ans dans le cadre du « programme et équipements prioritaires de recherche » exploratoire SPIN doté de 38 millions d’euros par le plan France 2030.
L’enjeu est la bataille qui se profile pour prendre la suite des transistors alors que certains prédisent la fin de la suprématie de l’électronique actuelle à base de semi-conducteurs avec le ralentissement de la loi de Moore. Mais on n’en est pas là. Le skyrmion a d’autres défis devant lui, comme les irrégularités encore observées dans ses déplacements. Sans parler des technologies concurrentes à l’étude, comme celle des ferroélectriques.
https://www.lemonde.fr/sciences/article/2024/04/23/le-skyrmion-cette-etrange-structure-qui-pourrait-bousculer-l-electronique_6229465_1650684.html
Référence
Fast current-induced skyrmion motion in synthetic antiferromagnets
Un skyrmion est une structure magnétique de quelques nanomètres, 10 000 fois plus fine qu’un cheveu, composée de spins d’électrons enroulés en spirale.
Sur les spins d’électron, voir Wikipedia https://fr.wikipedia.org/wiki/Spin
Le spin (/spin/) est, en physique quantique, une des propriétés internes des particules, au même titre que la masse ou la charge électrique. Comme d’autres observables quantiques, sa mesure donne des valeurs discrètes et est soumise au principe d’incertitude. C’est la seule observable quantique qui ne présente pas d’équivalent classique1, contrairement, par exemple, à la position, l’impulsion ou l’énergie d’une particule.
Il est toutefois souvent assimilé au moment cinétique (voir Le moment cinétique de spin et Précession de Thomas). Enfin, le moment cinétique intrinsèque (de spin) et le moment magnétique intrinsèque (de spin) sont tous deux confondus sous le terme de « spin ».
Le spin a d’importantes implications théoriques et pratiques, il influence pratiquement tout le monde physique. Il est responsable du moment magnétique de spin et donc de l’effet Zeeman anomal (parfois incorrectement appelé anormal) qui en découle.
Les particules sont classées selon la valeur de leur nombre quantique de spin (aussi appelé communément le spin) : les bosons, qui ont un spin entier (0, 1, 2…), et les fermions, pour lesquels le spin est demi-entier (1/2, 3/2, 5/2…). Fermions et bosons se comportent différemment dans des systèmes comprenant plusieurs particules identiques ; le fait que l’électron soit un fermion est la cause du principe d’exclusion de Pauli ainsi que des irrégularités de la table périodique des éléments. L’interaction spin-orbite conduit à la structure fine du spectre atomique. Le spin de l’électron joue un rôle important dans le magnétisme. La manipulation des courants de spins dans des nano-circuits conduit à un nouveau champ de recherche : la spintronique. La manipulation des spins nucléaires par des champs radiofréquences conduit au phénomène de résonance magnétique nucléaire utilisé dans la spectroscopie RMN et l’imagerie médicale (IRM). Le spin du photon — ou plus exactement son hélicité — est associé à la polarisation de la lumière.
Les spins, propriété magnétique des charges négatives, noués ainsi de façon très stable peuvent être mis en mouvement par paquets, sans faire bouger les électrons. De telles spirales, les skyrmions, qui tiennent leur nom du physicien britannique Tony Skyrme, les ayant imaginés en 1962, n’ont été observées pour la première fois qu’en 2009.
Qui dit structure magnétique, dit capacité de mémorisation d’une information. D’où l’intérêt depuis quinze ans pour cet objet en forme de bulle de savon aplatie. Mais le skyrmion souffre d’un défaut, l’effet Hall, qui est au champ magnétique ce que l’effet Magnus est au terrain de football
Sur l’effet Hall voir
«
Effet observable sur un conducteur ou un semi-conducteur de faible épaisseur soumis à un champ magnétique.
La création d’un champ électrique proportionnel au produit vectoriel de la densité de courant par l’induction magnétique se traduit par l’apparition d’une tension entre les bords du conducteur. Il est ainsi possible de connaître la topographie d’un champ magnétique en utilisant l’effet Hall qui apparaît dans un conducteur explorant ce champ. À une température proche du zéro absolu, l’effet Hall présente des discontinuités (effet Hall quantique) dont la mesure a un très grand intérêt en métrologie.
Du fait de sa structure, le skyrmion va dévier de la route qu’on veut lui imposer. C’est à cette difficulté qu’une équipe du laboratoire Spintronique et technologie des composants (Spintec, université Grenoble-Alpes, CNRS, CEA) a trouvé une solution publiée dans la revue Science le 19 avril. Les chercheurs grenoblois sont parvenus à dompter l’effet gyroscopique des skyrmions. Ce qui a permis de les faire se déplacer dans la même direction, dans un faible courant électrique, à des vitesses allant jusqu’à 900 mètres par seconde. Une prouesse par rapport aux 100 mètres par seconde observés jusqu’ici.
Un changement d’échelle riche en perspectives, pense Olivier Boulle, chercheur CNRS au Spintec, qui a piloté ces travaux. Afin d’annuler l’aspect aimanté du skyrmion il fallait parvenir à coupler deux de ces structures aux propriétés opposées afin qu’elles s’annulent. C’était une question de matériaux. La solution s’appelle « antiferromagnétiques synthétiques ». « Ces matériaux sont composés de deux couches ferromagnétiques, séparées par une fine couche non magnétique. Les directions du pôle Nord et du pôle Sud de ces couches magnétiques sont opposées. Par conséquent, ces matériaux ne sont plus vraiment aimantés », explique Olivier Boulle.
https://www.lemonde.fr/sciences/article/2024/04/23/le-skyrmion-cette-etrange-structure-qui-pourrait-bousculer-l-electronique_6229465_1650684.html
Toute la difficulté a été de trouver ce bon isolant et surtout à la bonne épaisseur (quelques atomes) pour que le couple de skyrmions tête-bêche soit stable. C’est ce qu’a fait le postdoc Van-Truong Pham, premier signataire de l’article dans Science,. Notamment en travaillant au synchrotron Bessy à Berlin, sur un microscope magnétique à rayons X très puissant. « La théorie le disait, les simulations le validaient et pour la première fois le groupe d’Olivier Boulle montre que cela marche expérimentalement », selon Stanislas Rohart, qui travaillait dans la même direction.
A quoi pourraient bien servir ces simili-bulles de savon qui volent à plus de 3 000 kilomètres à l’heure ? A l’électronique de demain et au calcul pour l’intelligence artificielle Il s’agir de démontrer qu’on peut fabriquer un dispositif de mémoire et de calcul basé sur le skyrmion », détaille Olivier Boulle. Car ce petit objet que l’on sait désormais manipuler et déplacer dans une piste magnétique peut être une donnée d’information : 1 lorsque le skyrmion passe devant une tête de lecture, 0 en son absence.
Concrètement, des équipes du Spintec travaillent actuellement à « faire de la reconnaissance vocale ou de la reconnaissance d’image avec une assemblée de skyrmions, en exploitant leurs réponses à des stimuli externes comme une tension »,
L’intéret en estla très faible énergie nécessaire pour lire ou écrire les données, comme le montre un article du 18 mars dont on trouve ci-dessous les références et l’abstract. Cette piste ouverte par la spintronique permet d’envisager des réductions « d’un facteur 1 000 » de l’énergie nécessaire pour un calculateur, estime Olivier Boulle. C’est l’objet du projet Chirex, financé pour quatre ans dans le cadre du « programme et équipements prioritaires de recherche » exploratoire SPIN doté de 38 millions d’euros par le plan France 2030.
L’enjeu est la bataille qui se profile pour prendre la suite des transistors alors que certains prédisent la fin de la suprématie de l’électronique actuelle à base de semi-conducteurs avec le ralentissement de la loi de Moore. Mais on n’en est pas là. Le skyrmion a d’autres défis devant lui, comme les irrégularités encore observées dans ses déplacements. Sans parler des technologies concurrentes à l’étude, comme celle des ferroélectriques.
https://www.lemonde.fr/sciences/article/2024/04/23/le-skyrmion-cette-etrange-structure-qui-pourrait-bousculer-l-electronique_6229465_1650684.html
https://www.science.org/doi/10.1126/science.add5751
Authors Info & Affiliations
SCIENCE
18 Apr 2024
Vol 384, Issue 6693 pp. 307-312
DOI: 10.1126/science.add5751
Editor’s summary
Magnetic skyrmions—topologically protected spin textures—have shown promise as information carriers in spintronic devices. Although they can be manipulated with electric currents, their speeds in tracks tend to be limited by phenomena such as the skyrmion Hall effect, which deflects and damps the skyrmion motion. Pham et al. avoided this issue, typical of ferromagnets, by using an antiferromagnet instead. The synthetic antiferromagnetic material, fabricated by sputtering, was composed of two platinum/cobalt layers coupled through a thin layer of ruthenium. The authors used magnetic force microscopy to monitor the motion of skyrmions after current injections and measured skyrmion velocities of up to 900 meters per second along the current direction. —Jelena Stajic
Abstract
Magnetic skyrmions are topological magnetic textures that hold great promise as nanoscale bits of information in memory and logic devices. Although room-temperature ferromagnetic skyrmions and their current-induced manipulation have been demonstrated, their velocity has been limited to about 100 meters per second. In addition, their dynamics are perturbed by the skyrmion Hall effect, a motion transverse to the current direction caused by the skyrmion topological charge. Here, we show that skyrmions in compensated synthetic antiferromagnets can be moved by current along the current direction at velocities of up to 900 meters per second. This can be explained by the cancellation of the net topological charge leading to a vanishing skyrmion Hall effect. Our results open an important path toward the realization of logic and memory devices based on the fast manipulation of skyrmions in tracks.